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Août 9, 2015 | Art & Culture | 0 commentaires

Yennayer et le calendrier Julien, Origine et définition

par | Art & Culture

Origine et définition

Le nouvel an berbère, Yennayer, est une tradition ancienne inscrite dans le calendrier agraire de l’Afrique du Nord et qui connaît aujourd’hui un regain de vitalité. Comme premier jour de l’année (aqerru useggas) il est marqué par des rites, des mets, des augures dans une atmosphère de fête à peu près semblable dans toutes les régions.

Une interprétation optant pour une étymologie berbère donne yen-n-yur, « 1er de la lune », envisageant par là un calendrier lunaire originel. Les premiers calendriers forgés par les hommes étaient probablement d’origine lunaire, le cycle de la lune étant le plus aisément observable depuis la terre, mais cela ne constitue pas une preuve suffisante pour donner raison à cette étymologie qui soulève plusieurs questions :

– « Si les Berbères avaient élaboré un comput et un calendrier lunaire datant de l’antiquité, pourquoi l’auraient-ils abandonné et pourquoi n’en ont-il laissé aucune trace alors qu’ils connaissaient l’écriture leur permettant de le faire ? »

– Si les Berbères avaient nommé leur mois de janvier en référence à la lune, comment se fait-il que les onze autre mois portent des noms latins ? Ces simples questions laissent penser que Yennayer est bien plutôt le mois de janvier latin, le Januarius du calendrier julien comme le sont tous les autres mois de l’année agricole berbère.

Ce Januarius du calendrier romain était le mois du Dieu Janus (Dieu des portes, des seuils). Il s’agit du mois de janvier du calendrier républicain romain qui n’est lui même devenu

le premier de l’année qu’au cours du 2ème siècle avant notre ère, prenant la place de Martius, le mois de Mars qui marquait jusque-là le début de l’année. Mais à cause de son décalage croissant par rapport à l’année solaire, ce calendrier lunaire est devenu, au fil des années, ingérable par les pontifes (prêtres) romains, et a conduit Jules César à le réformer, grâce aux conseils du mathématicien et astronome grec Sosigènes rencontré à Alexandrie. Ce dernier s’appuyait sur des projets de réforme du calendrier solaire égyptien qui possédait déjà 12 mois de trente jours chacun auxquels étaient rajoutés cinq jours pour arriver à une année de 365 jours. La mort brutale de Jules César fit que la réforme ne s’appliqua pas avec toute la précision voulue et les pontifes intercalèrent au calendrier une année bissextile tous les 3 ans. Son neveu Octave devenu l’empereur Auguste, le réajusta encore en intégrant cette année bissextile seulement tous les 4 ans pour obtenir enfin une année de 365 jours ¼.

Le calendrier julien est donc un calendrier solaire de 11 mois de 30 et 31 jours chacun auxquels s’ajoutent un mois de 28 jours, plus ¼ de jour supplémentaire (année bissextile tous les 4 ans), ce qui donne une année de 365 jours ¼. L’année solaire est exactement de 365,2422 jours. Ce léger décalage par rapport à l’année tropique a été supprimé par le pape Grégoire XIII en 1582 qui a fait passer simplement la date du 4 octobre à celle du 15 octobre supprimant ainsi les 11 jours de dérivation qui manquaient au calendrier julien depuis sa réforme augustéenne (11 mn/an soit 1 jour tous les 134 ans). Ce calendrier grégorien s’est répandu en Europe occidentale, dans le monde catholique d’abord, protestant ensuite, demeurant probablement inconnu en Afrique du Nord jusqu’au 19ème siècle.

Introduction du calendrier julien en Afrique du Nord

Deux hypothèses ont été avancées jusqu’à présent :

  Transmission du calendrier julien depuis l’antiquité

Il est évident que le calendrier julien a été introduit en Afrique du Nord avec l’empire romain et qu’il était connu dans les régions latinisées tout au moins. Mais cela suffit-il pour dire que c’est lui qui nous est parvenu et que nous connaissons aujourd’hui ? La question mérite d’être posée car rien n’est moins sûr étant donné l’absence totale de traces de transmission. Comment comprendre en effet qu’un calendrier nous soit parvenu depuis l’antiquité en l’absence totale de traces en latin ? D’autre part comment expliquer la présence du calendrier partout en Afrique du nord, même dans les zones du Sahara où l’influence romaine était plus faible ?

 Hypothèse de l’origine copte C’est dans les années 1950 que Jean Servier propose une origine copte du calendrier berbère. Cette hypothèse est difficilement recevable à causes des caractéristiques très différentes des deux calendriers. Le calendrier chrétien copte a conservé les noms de mois des divinités égyptiennes ainsi que la structure de l’année qui compte 12 mois de 30 jours + 5 jours supplémentaires comme le faisait l’année égyptienne. Il faut ajouter à cela que le premier mois de l’année copte, nommé Thout débute en août-septembre, ce qui n’est pas le cas en Afrique du Nord.

Notre hypothèse

Aux deux hypothèses précédentes nous en ajouterons une troisième qui nous paraît la plus probable. En l’absence totale de traces de transmission depuis l’antiquité, comment expliquer la présence actuelle du calendrier julien partout en Afrique du Nord, d’Est en Ouest et du Nord au Sud ? Comment expliquer aussi que parallèlement aux mois juliens on trouve des périodes de 40 jours parfaitement identifiées partout en Afrique du Nord : Lyali (pour les froidures blanches et noires), Smaïm (pour les chaleurs sèches), Nisan (pour les pluies de printemps) ? C’est d’ailleurs cette périodisation qui est l’illustration du caractère agraire du calendrier actuel et tous ceux qui emploient ces termes aujourd’hui pensent qu’il s’agit de mots sûrement arabes. Cette passion pour l’agriculture nous a mise sur la piste des agronomes andalous du Moyen Age. Ces derniers ont en effet rédigé et diffusé en arabe (langue de diffusion scientifique de l’époque) à partir du 11ème siècle, des traités d’agriculture rationnelle reprenant le calendrier julien espagnol que toute l’Europe, ainsi que l’empire grec Byzantin avaient conservé depuis l’empire romain.
C’est ainsi que le calendrier julien a été étoffé par les périodes citées qui ne pouvaient être connues que des spécialistes et des érudits voyageant en Syrie ; le Kitab-al-filaha d’Ibn-al-Awwam publié au 11ème siècle à Séville en est un bel exemple. Ainsi Nisan, par exemple, est le nom du mois d’avril du calendrier chrétien syriaque. Précisons que ce nom est d’origine babylonienne et qu’il a servi aussi au calendrier hébreu. C’est sans doute autour de cette période que ce calendrier julien-syriaque andalou fut adopté en Afrique du Nord. En effet, c’est à la fin du 11ème siècle, en 1090, que le sultan Almoravide Yusuf ibn Tashfin annexe à son royaume nord-africain les royaumes musulmans d’Espagne. Cela se poursuivra sous la dynastie suivante des Almohades, qui constituait un royaume unique depuis l’Andalousie jusqu’à l’Egypte, laquelle promut un certain nombre de savants. De plus, au fur et à mesure de la Reconquista (qui se termina en 1492), l’élite andalouse se replia en Afrique du Nord (par exemple à Bgayet), y propageant ses idées.

Si les agronomes andalous ont préféré reprendre le calendrier solaire julien c’est qu’ils estimaient qu’il était mieux adapté à l’agriculture que le calendrier lunaire musulman (ce qu’ont fait aussi tous les agriculteurs de l’Afrique du Nord), lequel compte 12 mois sacrés de 29 ou 30 jours. Le prophète ayant interdit d’ajouter des jours supplémentaires pour rattraper l’année solaire, le calendrier hégirien conserve ainsi une année plus courte que l’année tropique.

Même si le nom de Yennayer est un mot latin c’est probablement dans la religion ancienne des Berbères que doivent se trouver les réponses à la conception et à la division du temps, car partout l’élaboration d’un calendrier a été d’origine religieuse.

Nedjima Plantade

Nedjima Plantade est anthropologue. Elle a soutenu une thèse de 3ème cycle intitulée « Magie féminine et sexualité en Kabylie : étude ethnopsychiatrique »sous la direction de Georges Devereux, à l’EHESS en 1984.

Elle est auteur de deux ouvrages ; « La guerre des femmes. Magie et amour en Algérie. » (La Boîte à Documents, Paris, 1988) et « L’honneur et l’amertume. Le destin ordinaire d’une femme kabyle » (Baland, 1993). Elle est également auteur de plusieurs articles notamment sur les rites en Kabylie.

Auteur: Nedjima Plantade
Date : 2014-01-21

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